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LE MBOG: ÉLÉMENT FÉDÉRATEUR DE LA COMMUNAUTÉ BASSA.
21 mai 2024

A. L’ENRICHISSEMENT DU MBOG ET L’ÉLARGISSEMENT DE LA COMMUNAUTÉ BASSA

 

Au cours de l’histoire, le Mbog s’est enrichi avec les apports des communautés que les bassa ont côtoyées. Ainsi par exemple, pendant leur long séjour autour du bassin du lac Tchad au nord du Cameroun, les bassa ont cohabité avec la communauté tikar ; celle-ci va apporter le culte des « hommes panthères » dans le Mbog, l’enrichissant ainsi. Certains tikars vont donc adhérer au Mbog et devenir par la même occasion des bassa.

A ngog lituba, la communauté bassa a cohabité avec les communautés bafia et yambassa ; celles-ci vont apporter le culte de la « tortue » (parjure) au Mbog. Dans la côte, la communauté bambongo (duala et assimilés) va apporter le culte de « bissima » (les génies de l’eau).

Les peuples de la forêt (pygmées) apporteront le culte de « ndim bako » (les génies de brousse). La communauté béti, quant à elle, partage le culte du « UM » avec les bassa depuis au moins à ngog lituba. Les danses de guérison par exemple (le nfon ou le ndjingô) sont des rites du Um communs à ces deux communautés.

 

A toutes ces communautés, la communauté bassa a enseigné le culte du « ngambi » (les oracles), c’est le « likang li babôg » (la science aux ancêtres). La science divinatoire (le ngambi) caractérise la communauté bassa depuis sa constitution ; il est le culte à travers lequel les bassa entrent en relation avec les ancêtres. Ce culte est omniprésent dans leur quotidien ; il est le principal rite de la pratique du culte des ancêtres.

En adhérant au Mbog, ces peuples ont non seulement enrichi le Mbog, mais également fortement contribué à l’élargissement de la communauté.

La communauté bassa est donc en réalité une confédération des groupes ethniques qui partagent la même spiritualité qui est le Mbog. C’est une communauté religieuse. Le Mbog a permis à tous ces groupes, devenus une communauté, de cohabiter paisiblement pendant des siècles.

L’arrivée des occidentaux en terre africaine avec des spiritualités « étrangères » va considérablement affaiblir le Mbog et sa toute-puissance fédératrice.

 

B. LE CHRISTIANISME : UN FREIN À LA TOUTE PUISSANCE DU MBOG

 

Pour mieux « dompter » les peuples africains pour les soumettre, les occidentaux ont ciblé deux choses principales : leur spiritualité et leur organisation sociale. Dans le cas des bassa, le Mbog s’est heurté au christianisme. Le christianisme a été l’offre spirituelle et religieuse présentée aux bassa. Dans la plupart des cas à certains endroits, c’est par la violence que certains bassa se sont convertis au christianisme. Le « mbom mbog » (front du Mbog), qui est la personne et l’institution centrale de la communauté, guide spirituel et principal régulateur de la vie en communauté, a été la cible principale des occidentaux. Il lui a été opposé d’une part, les prêtres et pasteurs pour limiter son rôle en tant que guide spirituel, et d’autre part le « king » (chef), un auxiliaire de l’administration coloniale, pour lui arracher le pouvoir administratif et législatif. Dépouillé de toutes ses compétences, le mbombog s’est considérablement affaibli au fil du temps passé, la communauté bassa malheureusement aussi. La diabolisation des cultes ancestraux a semé un flou spirituel au sein de la communauté et a fini par la détourner de ses croyances ancestrales.

 

Les « chefs » (kiñè, king) ont par la force imposé les limites administratives et territoriales savamment définies par les colons, pour diviser la communauté. Divisée, pour stopper la dynamique d’union qui la caractérise et fait sa principale force, détournée de sa spiritualité, la communauté bassa a fini par se disloquer. La division et la conversion religieuse se sont cristallisées dans la communauté. « Décapitée » et « émiettée », la communauté bassa a presque disparu. Beaucoup de peuples qui ont rejoint la communauté bassa et enrichi le Mbog se sont « distancés » de la communauté, d’autres ont imposé une certaine « émancipation » en se constituant en clans ethniques autonomes. Les concepts de « bassa-bati-mpoo » ou encore « babimbi-bikok-ño loñ » sont des parfaites illustrations de la cristallisation de la division. Le Mbog qui est la « boussole » idéologique, spirituelle et sociale de la communauté bassa a perdu le « cap », impuissant face à la dégradation de la communauté, incapable de réagir.

 

CONCLUSION

 

Une sagesse bassa indique que, « le Mbog » est comme la chute d’un gorille :

il peut tomber, mais il se relève toujours ». Malgré l’étouffante « étreinte » du christianisme et de la civilisation occidentale, le Mbog a pu survivre. Les poches de résistance notamment dans les coins reculés du territoire bassa ont pu rallumer la flamme spirituelle des peuples de la communauté et faire naître une prise de conscience remarquable. Un certain nombre de groupes communautaires ont

vu le jour et entamé un processus de rassemblement et de réunification des différents peuples de la communauté bassa. « Mbog Liaa » et surtout « Ndab Bikokoo » qui est un mouvement de rassemblement, de solidarité communautaire et de développement local né en Allemagne sous l’initiative de Monsieur Etienne Lejeune NGOM NGOM en sont des exemples. Les Ba Mbombog affichent également à nouveau leur ferme volonté de réorganiser le Mbog et de le replacer au cœur de la reconstitution d’une communauté bassa retrouvée, forte et réunifiée.

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